I and Love. And YOU

La maison était plongée dans un silence pesant. Le plus silencieusement possible, Malo se leva et traversa la chambre avec seulement un bas de pyjamas. Il était seulement six heures mais son frère venait récupérer la petite. Elyah avait passé la soirée chez son parrain au plus grand bonheur de celui-ci. Cependant, à chaque fois qu'il voyait la gamine, il ne pouvait s'empêcher de se demander quand son tour viendrait. Il était prêt à être père, il le désirait ardemment. Pourtant, ce bonheur lui était refusé. Il savait qu'il ferait un incroyable papa, alors pourquoi le destin lui refusait-il ça ? En soulevant l'enfant dans ses bras, il chantonna doucement pour qu'elle reste endormie. Elle grommela quelques mots incompréhensibles, serrant son lapin en peluche plus fort dans ses petits bras maigres puis lova son nez au creux du coup de son tonton. Il sourit et tout en la berçant s'approcha de la fenêtre. Évidemment, le père d'Elyah était déjà là et ça leur prit moins de deux minutes pour l'installer dans la voiture. Après quelques mots, les deux frères se séparèrent, l'un se glissant au volant pour aller rechercher sa femme à l'aéroport, l'autre pour retourner auprès du seul amour de sa vie.

Reaghan semblait dormir d'un sommeil rêveur, enlaçant son oreiller. Le jeune homme sourit tendrement et assis sur le bord du lit la regarda dormir un long moment. Ses yeux coulèrent le long de sa silhouette moulée par la couverture puis sur sa nuque, ses cheveux cascadant dans son dos. Elle était sublime. La plus belle femme du monde aux yeux de Malo. Et à son plus grand bonheur, elle l'aimait et était sienne. C'était un drôle de sentiment que de savoir qu'on s'appartient l'un à l'autre et que malgré toutes les épreuves, toutes les disputes possibles, jamais ils ne pourraient vivre séparé. En tout cas, les quelques années sans elle avait été une véritable torture pour lui. Déposant un baisé sur son épaule, il l'entoura de ses bras et ferma les yeux, ajustant sa position pour être contre elle. Elle sentait merveilleusement bon et son dos contre sa poitrine bougeait lentement au rythme de chaque respiration de sa jolie femme. Lentement, Morphée les enveloppèrent comme une seule personne et il s'endormit.

Quand il ouvrit les yeux à nouveau, les rayons du soleil inondaient la pièces au travers des rideaux blancs. Une belle journée s'annonçait, même si on est jamais à l'abri d'une tempête au réveil...

Je n'avais pas beaucoup dormi de la nuit. Non pas que j'avais fais des folies avec mon corps et celui de ma moitié, enfin si un peu. Mais c'est surtout cette braillarde d'Elyah qui avait fortement perturbé mon sommeil. Je n'avais qu'une seule envie que son foutu père vienne la récupérer. J'avais à peine dormi. Et le pire dans tout ça, c'est que Malo avait pris son pied. Non pas seulement avec moi, mais avec cette gosse. Il était littéralement gaga de sa nièce. Bon je l'aimais aussi cette mioche, seulement je n'en faisais pas une fixette. Parfois j'avais l'impression que Malo ne voyait en moi, que mon utérus. Ou alors que je tenais un panneau dans les mains avec écris en lettres rouges et scintillantes comme les gros néons de Vegas « Fécondes-moi ». C'était frustrant. Surtout que cela faisait bien deux ans que l'on essayait d'avoir un enfant sans résultat. Et c'était la faute de qui? De bibi. Bah oui, j'avais mis du temps à me décider à arrêter la pilule. Parce que je n'étais pas prête à devenir mère. Avoir un gosse, c'était avoir de grosses responsabilités. Et je ne savais foutrement pas si j'en étais capable. Je n'avais pas vraiment eu de très bons modèles étant gosses. Et forcement j'avais peur d'être à côté de la plaque. Et puis quoi, on était encore jeunes non? On avait le temps. S'il voulait vraiment un gosse, il pouvait faire du baby sitting, ça nous rapporterai des sous en plus. Non en fait, la pire chose en ce moment, c'était de voir constamment la détresse dans ses yeux. A croire que c'était son horloge biologique qui le torturait et que la mienne s'était arrêté, faute de pile.

J'ouvrais les yeux avec difficulté. La chambre était plongée dans le silence. J'entendais la respiration sereine de Malo à mes côtés. La mioche était partie. Le bonheur était à nouveau dans l'air. Je soupirais de bien être, le corps coincé dans les draps. J'ouvrais à nouveau les yeux, posant mes prunelles bleues sur la fenêtre. Il devait être encore tôt. Je jetais un œil au réveil matin quand je vis qu'il était éteint. Tiens... Je me redressais, prenant l'objet en main. Il était encore branché. Je fronçais les sourcils. « C'est quoi ce bordel... » J'avais encore la voix enrouée par le sommeil. Je reposais l'objet sur la table de chevet avant d'allumer la lampe juste à côté mais rien. « Fait chier on a été coupé! ». Ce mois ci nous avions encore été juste niveau budget. Mais j'avais envoyé le chèque à la compagnie d'électricité. Il manquait plus que ça. Je me tournais vers Malo qui émergeait lui aussi. Je lui prenais le poignet pour regarder l'heure. « Il est 8h20! » J'étais à la bourre pour mon rendez-vous chez l'éditeur. Je devais récuperer deux foutues bouquins. Vous n'imaginez pas toutes les conneries que je pouvais être amené à lire, juste pour corriger des putains de fautes. Ça me foutait en rogne. Encore plus quand je voyais Malo qui m'observait avec son air d'abruti. « Jsuis à la bourre! Et toi aussi! » Je le repoussais pour me lever du lit.

Malo n'avait jamais été du matin. Il faisait tous les efforts qu'il pouvait mais en général, il était loin d'être sympathique au réveil. Pourtant, ouvrir les yeux pour voir Reaghan aurait dû faire son bonheur mais son cerveau refusait catégoriquement de se mettre en marche tant qu'il n'avait pas bu un café bien serré et de préférence brûlant en guise d'électrochoc. Alors, même quand la jeune femme était souriante et d'humeur câline, il avait beaucoup de mal à donner le change, pour qu'elle oublie son petit air grognon. Mais là... Là, c'était vraiment vraiment impossible pour lui. Déjà, il détestait les réveils, ces machins étaient sataniques, on se réveillait toujours avant eux et ils ne sonnaient jamais quand on se rendormait par mégarde... Et puis cette sonnerie stridnete qui vous arrache la moitié des oreilles... Rien à faire, c'était un supplice. Quoique, c'était beaucoup plus agréable qu'une tornade blonde qui hurle et vous balance votre propre bras dans la tronche après avoir regarder l'heure sur votre montre. Juste parce que MADAME est incapable d'avoir la sienne à portée. Et c'était pas faute de lui en avoir offert une pour son anniversaire avec un mois de salaire. D'ailleurs, elle avait aussi hurlé ce jour-là en l'apprenant. Grimaçant, Malo tenta désespérément d'ouvrir les paupières sans grand succès. A cet instant précis, il détestait de toutes ses forces sa blonde adorée.
Mais merde Reag ! T'es peut-être canon quand tu dors mais une fois réveillée, t'es une fameuse casse-cou...
Il s'arrêta en plein milieu de sa phrase, conscient que ce genre de réflexion risquait de rendre ce matin encore plus pénible.

En refermant les yeux, il tenta de se souvenir... Il était vraiment persuadé d'avoir déposé le chèque en rentrant du boulot, la veille. Quoique, il était avec Elyah alors il y avait de forte chance qu'il ait zappé ce détail... Peut-être était-il toujours dans sa sacoche... Dans la voiture ? Non... Pas là... Dans la cuisine alors. A moins qu'elle ne soit ici ? Péniblement, il tenta un tour d'horizon et rencontra le regard furieux de sa femme. Aie. Là, ça sentait très mauvais pour lui...
Ecoute chérie je...
Soudain, les mots prirent un sens... 8h20 ? 8h20 ?!
8h20 ! Mais merde !!! C'est encore ton fichu truc qui est pas capable de marcher !!! Si j'arrive encore en retard, ils feront un retrait sur mon salaire !

« Tu sais ce qu'elle te dit la fameuse casse-couuille? » Je m'étais redressée sur le lit, prête à le quitter pour m'habiller. J'avais un rendez-vous ce matin. Enfin ce n'était pas vraiment un rendez-vous. Je devais juste aller récupérer un foutu bouquin chez l'éditeur afin de le corriger. Et j'étais déjà énervée à l'idée de devoir y passer tout le week-end qui s'annonçait. J'avais envie de le bruler mais il me fallait des sous. Je cherchais mes pantoufles en moumoute du regard alors que j'ajoutais. « T'as encore oublié de mettre ce foutu chèque. Je te jure, si je le trouve, tu auras une bonne raison de m'appeler comme tu viens de le faire. » Je me levais ensuite du lit pour aller à la salle de bain. Ouais ça va être sympa de me préparer sans électricité. Je venais dans la salle de bain où heureusement je pouvais bénéficier de la lumière naturelle venant de la fenêtre. Je prenais mes cheveux dans les mains avant de les nouer en une queue de cheval négligé. J'entendais Malo qui marmonnait. Je soupirais en disant, surtout pour moi même. « Bah ça va pas changer grand chose à ton salaire... » Je me mis ensuite un peu d'eau sur le visage pour me réveiller un peu puis j'allais dans la cuisine pour préparer le café, sans électricité. Et là, je vis sur la table de la cuisine, une boite de macarons avec un joli ruban sur le dessus. J'esquissais un sourire. J'adorais les macarons. Pomi, qui était dans son panier m'observa avec curiosité. « Non ce n'est pas pour toi ça. » Je reposais le paquet sur la table, revenant dans la chambre. Malo était toujours dans le lit. Mon petit mari n'était pas du matin. Il était souvent grognon et un peu à l'ouest. J'avais donc pris l'habitude de lui laisser un bon quart d'heure pour qu'il émerge à son rythme. Je l'observais, m'étant arrêter à l'entrée de la chambre. Malo avait à nouveau les yeux fermés. Je souris un peu plus en venant vers lui. Je montais sur le lit avant de me blottir contre ma moitié. « Tu m'énerves... mais je t'aime. » Je venais enfouir mon visage dans son cou alors qu'il me tournait le dos, respirant son odeur ce qui m'apaisa. « Merci pour les macarons... » Rester ainsi près de lui, ne me dérangeait pas, au contraire. Certains matins je n'avais envie de rien, juste de rester dans mon lit. Les yeux fermés, je repensais à la dernière conversation que j'avais eu avec ma mère... Cette dernière était à nouveau entrée en contact avec moi quelques semaines plus tôt. Mon père avait fait une crise cardiaque. Je n'avais pas été le voir. Mais ma mère se retrouvait seule et cela lui faisait peur. Mais elle n'acceptait toujours pas Malo et je n'avais donc pas envie de faire certaines concessions. Je restais silencieuse avant d'ouvrir les yeux quand Malo se mit à bouger.

Imaginer un jour sans une dispute avec Reaghan, c'était un peu comme imaginer qu'un jour Malo ne serait plus distrait. Leur quotidien était rythmé par des éclats intenses d'amour et d'incompréhension totale de l'autre. Et pourtant, ils s'aimaient comme rarement les couples en sont capables. Leurs prises de tête étaient aussi la raison pour laquelle ils se retrouvaient avec tant d'affection, étourdis de s'être laissé aller dans une dispute la plupart du temps stérile. Ils échangeaient des mots durs mais en général, ils n'en pensaient rien. Du moins était-ce le cas de Malo. Il était convaincu que Reagh se fichait de son salaire, mais cette remarque revenait souvent. L'entendre marmonner lui fit un pincement au coeur mais il préféra s'abstenir de tout commentaire. Cette fois, il était peut-être en tord. N'empêche, ça n'avait jamais tuer personne de vivre une journée sans électricité. Ensuite, il pensa au café et le désespoir lui donna envie de hurler. Seulement, c'était le matin et il était incapable de se révolter sans sa dose de caféine. Le cercle était vicieux et le regard de glace de sa tendre épouse n’aidait pas. Il referma les yeux, malgré l'heure trop avancée. De toute façon, il était presque impossible d'espérer être à l'heure alors une heure ou quelques minutes, quelle importance ?

Les pas de la jeune femme s'éloignèrent dans le couloir et il soupira. Elle lui manquait déjà. Même quand elle était en mode harpie, elle restait celle pour qui il avait traversé le monde. Certains diraient qu'il l'avait aussi fait pour un certain bateau, sa deuxième femme pour ses amis. Mais la situation était différente alors. Quand il avait rejoins Reagh, c'était la peur au ventre. Il s'attendait à la retrouver en couple, mariée ou sur le point de l'être. Mais non, elle était là, sublime, seule et très en colère contre lui. N'empêche qu'aujourd'hui, elle était à ses côtés. Souriant doucement quand il remarqua qu'elle se glissait à nouveau contre lui, il resta immobile pour ne pas briser cet instant. Il adorait le moment où elle enfouissait son nez dans son cou. Il soupira et se contenta de penser à elle et à ces mots magiques "Je t'aime". Sans le savoir, il avait été un peu devin la veille en achetant des macarons à la boulangerie en allant prendre un gâteau pour Elyah. Il réalisa soudain que ça faisait un moment qu'il n'avait plus eu se genre d'attention. Quel crétin !

Après quelques minutes, il se retourna et enlaça sa petite femme, rencontrant son regard envoutant. "Moi aussi je t'aime." Il l'embrassa doucement, resserrant son étreinte. "Même si t'es pire qu'une sonnerie de réveil le matin, je t'aime et il est hors de question que tu sortes de cette chambre" Il sourit d'un air malicieux et posa à nouveau ses lèvres sur les siennes, roulant sur elle. Étrangement, il se sentait tout à fait réveillé à cet instant. Glissant une main sur ses hanches, il se colla contre elle. C'est cet instant précis que choisi un crétin pour sonner un milliard de fois à la porte. Pas de doute, ça devait être son frère... Pourquoi maintenant ??? Il grommela un juron, il n'avait pas du tout envie d'aller ouvrir. Se laissant aller de son côté, il entraina la jeune femme qui se retrouva à califourchon sur lui. "Je déteste le matin !!!"

La plupart du temps, j'étais à l'origine des disputes. C'était pour moi, une façon propre de m'exprimer. Cela n'était nullement la transcription du moindre malaise ou autre. Je me sentais très bien dans mes baskets. Non en fait, je crois que cela faisait partie de mon caractère. On ne pouvait pas me changer. On m'aimait avec mon sale caractère. Pour les autres, ils pouvaient aller se faire voir. Je n'allais changer pour personne. Pas même pour Malo et dieu sait que parfois je lui en faisais voir. En même temps, en vivant vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec une personne, c'était un risque à prendre. Mais les disputes s'apaisaient aussi vite qu'elles étaient venues. Elles rythmaient quasiment notre quotidien. On ne s'en lassait pas. Je crois qu'on avait besoin de ça pour extérioriser nos pensées ou nos sentiments. Malo s'était habitué à mes piques comme je m'étais habituée à sa ronchonnerie. Il savait bien que j'avais besoin de m'extérioriser et que ce que je pouvais dire, n'étaient pas toujours des paroles d'Évangile. Je me fichais de son salaire. Je me fichais de l'argent. Sinon je ne l'aurais pas épousé. J'aurais continué à dépenser l'argent de mes parents, à m'offrir tout ce que je voulais. Mais je l'avais choisi lui en sachant que je faisais une croix sur le confort financier que j'avais eu jusque là. C'était une preuve d'amour non?

Au lieu de ça, je comptais chaque mois, les dépenses que l'on faisait. Je faisais un tas avec les factures payées et celles que l'on paiera le mois d'après. C'était devenu une habitude. Malgré tout, parfois cela me minait. Je pouvais vivre comment ça, mais je n'étais pas sûre de pouvoir le faire avec un enfant. Je n'avais pas envie de devoir toujours tout compter et être obligée de m'abstenir de certain achat par manque d'argent. Oui l'argent n'était pas primordial mais il était nécessaire et parfois Malo l'oubliait un peu vite. Il était le premier à être bénévole pour le moindre truc. Perso, si je bossais, c'était contre un salaire, sinon ce n'était pas la peine. Et dire que c'était moi qui était née avec une cuillère en argent dans la bouche.

J'étais restée blottie contre lui. Après tout, j'étais déjà en retard, pourquoi me dépêcher? Je respirais son parfum, fermant les yeux. Tout était calme dans la maison. Ce manque de courant avait un avantage: ne pas être dérangé par le téléphone. Je soupirais de bien être, prête à rejoindre à nouveau Morphée quand Malo se tourna vers moi. Je posais mes yeux bleus sur lui avant qu'il ne se rapproche pour m'embrasser. Je souriais malicieusement entre ses lèvres. « Comment comptes-tu m'empêcher de sortir de cette chambre? ». A nouveau sur le dos, je l'observais se coller à moi. Mon petit mari serait-il d'humeur câline? Notre petite pause tendresse fut interrompue par la sonnette de la porte d'entrée. Me retrouvant sur Malo, je posais mes mains sur son torse. Qui pouvait bien venir nous ennuyer si tôt le matin? J'avais une petite idée sur cet imposteur et Malo aussi, apparemment. Je soupirais avant de me pencher pour embrasser ma moitié. « Ce n'est pas toi qui disait vouloir m'empêcher de sortir d'ici? » Je souriais avant de retirer ma nuisette, décidée à ne pas ouvrir notre porte d'entrée. A nouveau nue, je venais retirer le t-shirt de Malo quand la sonnerie retenti à nouveau de façon stridente. Je me relevais. « McKibben fiche le camp, j'aimerai faire l'amour avec ton frère! » J'avais assez crié pour qu'il puisse entendre même de l'autre côté de la maison. Je souriais. Malheureusement la sonnerie se fit à nouveau entendre. « Je vais le tuer! » Je remettais ma nuisette à contrecœur avant de sortir du lit tout en disant. « Il a pourtant récupéré sa mioche, qu'est-ce qu'il veut encore... » Je traversais le couloir avant d'arriver à la porte de la cuisine qui donnait sur l'extérieur. Je déverrouillais la porte et l'ouvrais. « Quoi??! » Là, au lieu de voir le frère de Malo, il y avait un vieil homme d'une soixantaine d'année, les cheveux grisonnants. Il bégaya avant de dire: « M. keller, de la General electric... » Il m'observa tirer sur ma nuisette. « C'est à propos de la panne de courant... puis-je voir votre compteur? » « Oui...un instant! » Je refermais la porte avant de revenir rapidement dans la chambre. Je remettais mon sous-vêtement qui trainait encore par terre puis j'enfilais mon kimono. « On a de la visite. Un mec de la compagnie d'électricité. Il veut voir le compteur. Je ne sais même pas où il est ce foutu compteur. » Je venais ensuite attacher mes longs cheveux blonds avant de me pencher sur Malo qui se levait. « Tu ne perds rien pour attendre. » Je souriais avant de l'embrasser une nouvelle fois et d'aller ouvrir au mec qui squattait notre porte.

De toute façon, la journée allait être foireuse. Pourquoi ne pas la passer au lit ? Nous isoler du monde ? Oublier que le soleil s'était levé, créer un trou de 24h dans nos vies. Il n'y aurais que lui et elle. En fait, ce n'était pas si difficile que ça d'ouvrir les yeux si c'était pour faire "ça". Entreprenant, il glissa ses doigts sous ses vêtement jusqu'à ce fameux coups de sonnette. Avouez que parfois, on préférerais que la journée n'ai jamais commencé. C'était le cas. Depuis que son petit rayon de soleil était parti avec son père, les choses se gâtaient. Une seconde, Malo s'imagina un enfant dans la chambre d'à côté. Un petit bébé qu'il pourrait aller chouchouter pour fuir le quotidien. Pour fuir le boss de Reag, les coupes de budgets à la radio, les factures et le facteur stupide qui laissait la boite ouverte quand il pleuvait uniquement (et ça n'arrivait pas souvent dans le coin)... Ce petit être serait le seul élément complètement indestructible, imperturbable et indispensable... Seulement voilà, il n'y avait pas de gosse, seulement un imbécile qui voulait le compteur. De toute façon, ce fichu compteur allait bien, il suffisait de payer et le courant reviendrait. Suivant des yeux la silhouette de sa femme, il soupira et se leva, enfilant un jeans mais restant torse nu. Le but ? Faire sentir à l'intrus qu'il était vraiment mal venu. "Laisse chérie, je vais lui montrer..." En débarquant dans la cuisine, il vit le type installé avec un thermo de café qu'il partageait avec madame McKibben. Un instant, cette scène le mit en colère (effet réveil chaotique) puis il sourit largement et piqua la tasse de Reag pour boire une gorgée. Il était fort, le genre de café qui vous noircit les dents et l'estomac. Finalement, ça tombait bien. Le petit air amusé de l'employé lui fit réaliser sa braguette ouverte et ses cheveux en bataille. S'il avait encore un doute, c'était fait : oui, le mariage était consommé. Malo eut une petite moue taquine, embrassa celle qu'il aimait dans le cou et entraina le type dans le garage.

"Voilà, voilà." Appliqué, le vieil homme nota consciencieusement les chiffres. "Jeune mariés ?" Non pas vraiment... "On peut dire ça comme ça..." Le vieillard sourit, toucha une vis et le compteur tourna à l'envers pendant une minute. Malo n'en croyait pas ses yeux. "Excusez-nous pour cette erreur... N'oubliez pas la facture de ces deux derniers mois..." Un clin d'oeil, le clac du coffret du compteur et le technicien s'en allait. Ébahi, l'animateur mit quelques minutes à réagir. Quand le déclic se fit, il courut après ce monsieur si généreux et lui donna un pourboire. Vu leurs moyens, ce n'était pas grand chose mais il sourit avant de remettre l'argent dans la poche de Malo. Le moteur vrombit.

En rentrant dans la maison, l'australien était encore un peu perdu et hébété. Pourquoi, comment ? C'était de la charité ? Inadmissible ? Difficile à dire... Avaient-ils l'air si mal en point ? Puis il réalisa : oui. Des tonnes de factures, des prêts, ... La taille de la pile de galère était gigantesque sur le bureau. En retrouvant Reaghan dans la chambre, il lui raconta le geste de l'employé de l'électricité. Après un petit silence, il l'enlaça et demanda. "Tu ne manques de rien au moins... J'avoue que ce n'est pas vraiment ce dont on avait rêvé mais nous sommes ensemble... Tu me le dirais si quelque chose n'allait pas ?"

Je regardais Malo venir vers moi et m'embrasser alors que le mec de la General Electric attendait à notre porte d'entrée. Je n'avais fichtrement pas envie de le faire entrer chez nous. Mais j'étais rassurée par ses mots. Apparemment, c'était juste une panne générale alors rien à voir avec une facture impayée. Enfin c'était ce que je croyais. Je me surprenais parfois à être aussi naïve. Je laissais mon petit mari retrouver le vieil homme dans la cuisine, tandis que je faisais rapidement le lit. Je déteste laisser ma maison en désordre quand il y avait quelqu'un. Même si c'était juste des bricoles qui trainaient. Je prenais toujours le temps pour les ranger. Je n'étais pas un cordon bleu, je n'excellais pas dans la couture ou les taches ménagères mais ma maison a toujours été très propre. C'était l'une des seules qualités d'une femme au foyer que je détenais, au grand dam de Malo qui se retrouvait parfois à manger un plat totalement dégueulasse. Mais il le mangeait pour me faire plaisir et à chaque fois, je retombais amoureuse de lui. Je reposais rapidement la couette sur le grand lit avant de ranger les vêtements qui trainaient dans la chambre. Quelques secondes plus tard, un peu plus présentable, je retrouvais Malo dans la cuisine avec le type de l'électricité. Pomi était entrain de renifler l'inconnu. Apparemment, elle ne le jugeait pas dangereux parce qu'elle retourna dans son panier, prête à finir sa nuit. Cela m'amusa. Malo quitta ensuite la pièce, l'employée de la ville sur les talons. J'ouvrais le robinet pour y faire couler de l'eau chaude. La cafetière remplit, j'y ajoutais un peu de café. Heureusement qu'il nous restait des appareils qui fonctionnaient sans électricité. Sinon je ne sais pas comment je ferais. Bref, je faisais passer le café alors que je préparais je préparais des tranches de pain. Ah oui là, c'était plus problématique. Ce n'était pas aujourd'hui que nous allions avoir des toast. Je soupirais en laissant le pain sur la table. Je remplissait ensuite une tasse de café que je portais à mes lèvres. Il était infecte... Les dosages et moi, ce n'était pas le grand amour. Je reposais la tasse alors que mes yeux s'attardaient sur la fenêtre. Je pensais soudainement à ma mère et à sa proposition.

Je finis par sortir de mes pensées pour prendre une douche. J'enfilais ensuite un jean et un t-shirt alors que la porte d'entrée se faisait à nouveau entendre. La minute suivante, Malo revenait vers moi. Je l'écoutais me parler du mec de l'électricité et j'en restais bouche-bée. Ce mec nous faisait la charité?! Et puis quoi encore! On était quand même assez grand pour payer nos factures. Quoique en ce moment, c'était plutôt difficile. Malo m'enlaça mais je n'étais plus vraiment d'humeur. Apparemment, que ce type nous prenne pour des pauvres ne le dérangeait pas plus que ça. Je soupirais en me détachant de lui. « Tu déconnes là? » Je ne comprenais pas pourquoi, parfois il prenait tout à la légère. Comme si rien n'avait vraiment d'importance. Il jouait au bohème, sans responsabilités. Mais des responsabilités, nous en avions. « Tu aurais du lui donner ce foutu chèque qui est resté dans ton sac. » J'en avais marre de toujours avoir la même conversation avec lui. Je l'observais. Son regard me troublait encore. Je soupirais une seconde fois. Je posais mes mains sur son visage. « Tu m'épuises... » Je finis par sourire. Puis je me détachais de lui. « Je file. Je vais rechercher mes bouquins. » Je prenais mon sac. Je posais la anse sur mon épaule puis j'ajoutais, en prenant mes clefs de voiture. « On se retrouve à 12.00 pour déjeuner ensemble? » Je l'embrassais avant de quitter la maison.

Depuis toujours Malo était comme ça : gamin de toujours et blagueur invétéré. Il aimait la voile et l'océan parce qu'il y retrouvait la liberté qu'on lui volait en lui collant l'étiquette "adulte responsable" sur le front. A chaque instant, il maudissait les conventions qui devaient faire de lui, d'eux, des êtres totalement formatés à un seul rôle : tenir le monde sur leurs épaules. Mais il se savait trop fragile pour ça, il risquait de métamorphoser leur enfer en un dessin trop coloré. Etait-ce pour ça qu'il aimait tant les enfants ? Il regrettait l'époque où on riait de ses erreurs et de ses oublis, de ses faux pas et de ses crétineries. En rencontrant Reagh, il avait grandit. trop vite peut-être pour son imprévisible esprit de gosse. L'amour vous frappe et soudain, vous n'êtes plus un enfant à qui on pardonne. Vous devenez un pantin qui doit respecter les règles à la lettre sous peine d'être banni de la société. Tolérance zéro. Mais voilà, jamais McK n'avait pu se faire au moule et c'était aussi pour ça que Reaghan l'aimait comme elle le détestait par moment. Il ferma les yeux en encaissant les remarques acerbes de celle qu'il aimait. C'était vrai : ce vieil homme avait été généreux mais ce n'était pas une raison pour parler de "pitié ou de charité". "Ecoute, chérie, il nous a juste laissé un peu plus de temps..." Murmura-t-il dans sa barbe. De toute façon, il ne servirait à rien de discuter. Malo était conscient qu'il faisait souvent les mauvais choix et que parfois, il rendait sa femme triste comme les pierres. Il la désespérait et par moment, il se demandait si elle ne regrettait pas son choix elle aussi. Puis...

Puis il y avait toujours ce petit soupir et cette moue que Malo vénérait : le pardon était rapide chez sa belle blonde. Elle le prenait comme il était, avec ses nombreux défauts et ses quelques qualité. La serrant un instant dans ses bras, il prolongea leur étreinte avant de la libérer à regret. "Bien sûr... A tout à l'heure. Je t'aime." Trop tard, elle avait déjà claquer la porte avec énervement, puisqu'il n'avait toujours pas réparé la charnière qui coinçait. Elle savait qu'il serait en retard au rendez-vous même si lui ne le savait pas encore. C'était toujours comme ça. Le temps passait follement vite aux yeux rêveurs de Malo. En se glissant dans la douche, il répertoria les choses à ne pas oublier puis s'habilla. Il allait partir quand il réalisa qu'il avait oublié une partie de la programmation musicale du jour mais oublia la facture de versement, en évidence sur la table de la cuisine. En sortant, il inspira un grand coup l'air -presque- matinal de Gold Coast et sourit.