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I've heard it all before

Parfait compromis brésilien entre la danse et les arts martiaux, la capoeira demeurait sans aucun doute le sport idéal pour perfectionner ses réflexes de cascadeur. En effet, la réussite d’une cascade en toute sécurité et dans les règles de l’art reposait sur un timing précis ; les chorégraphies étaient réglées au millimètre près, à la seconde près. Sa carrière représentait un véritable challenge à ses yeux. Ambitieux et déterminé, il donnait toujours le meilleur de lui-même, tentant à chaque prise de se surpasser et de repousser ses limites personnelles.

Son entrainement de capoeira terminé, C.N monta dans sa Jeep citadine noire et démarra. Il l’avait achetée d’occasion en arrivant en Australie et ne regrettait pas la transaction. La radio allumée, il se dirigeait vers Our Animal Friends - un refuge animalier situé à l’extérieur de la ville - présidé par la belle Lussy Winston. Même s’il respectait et admirait sa passion pour les animaux, il ne portait pas le personnage très haut dans son cœur. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir essayé. Depuis l’accident, le jeune homme avait ravalé son ego et présenté ses excuses auprès de la jolie blonde à maintes reprises, en vain. Têtue et obstinée, elle continuait de lui reprocher d’avoir blessé un kangourou. L’accident en question s’était déroulé quelques semaines auparavant, lors d’une nuit orageuse. Pris par surprise, il avait malencontreusement percuté l’animal au volant de sa Jeep à la sortie d’un virage. Aujourd’hui, Perseus était hors de danger. Oui, Camille avait baptisé le kangourou à l’image de Persée, le célèbre héros de la mythologie grecque qui d’après la légende était parvenu à vaincre l’horrible Méduse grâce à un bouclier poli comme un miroir.

C.N connaissait bien la route. Rongé par sa culpabilité, il avait pris l’habitude de rendre visite à Perseus au moins une fois par mois. Il s’était d’ailleurs malgré lui attaché à l’animal. Lorsqu’il arriva enfin au refuge, l’horloge du tableau de bord indiquait 7 : 23 pm. La soirée commençait à peine. Le cascadeur se gara en marche arrière puis descendit du véhicule. Il croisa alors un vétérinaire et son assistant justement en direction du parc. Le beau brun se joignit à eux. D’une manière générale, il s’entendait désormais bien avec les membres de l’association. Seule Winston gardait une certaine rancune à son égard. Ainsi, au cours de leur escapade en pleine nature, Camille put s’approcher de Perseus qu’il gratifia de quelques caresses.

Lexis revint devant le bâtiment principal environ une heure plus tard. Il pénétra à l’intérieur avec l’intention de saluer poliment l’équipe vétérinaire. Toutefois, son sourire s’envola rapidement. Il se retrouva nez-à-nez avec la directrice. Les traits sévères et le regard assombri, il déclara :
« Je ne sais pas combien de fois je vais devoir m’excuser. C’était un accident et je suis vraiment désolé d’avoir blessé un kangourou. Mes parents tiennent un Ranch au Texas, je vous assure que je n’ai rien contre les animaux. »
Sa patience semblait avoir atteint ses limites. Il regrettait sincèrement l’accident mais s’avérait incapable de continuer à s’excuser. Le ton menaçant néanmoins dépourvu d’agressivité, il reprit catégorique :
« Maintenant je ne vous laisserai pas m’insulter encore une fois. Un mot de travers et vous le regretterez. Me suis-je bien fait comprendre ? »

Comme la plupart du temps, j’avais passé ma journée au refuge. Diriger une fondation telle que la mienne me prenait énormément de temps, mais comme je le dit toujours : C’est pour la bonne cause. Certaines personnes disent de moi que je suis courageuse de m’être lancée là-dedans. Moi, j’ai juste envie de répondre que c’est ma vocation. J’ai toujours senti que c’est ce que je voulais faire : aider les animaux, alors je le fais. On peut se demander d’où me vient cette passion et cet amour pour les animaux, parce que mes parents ne m’ont certainement pas transmis ça. En fait, mes parents ne m’ont absolument rien transmis. A part aimer l’argent et s’aimer eux même, rien d’autre ne les intéresse, même pas moi. C’est pour dire ! Les animaux ont réussit à m’apporter plus d’amour que mes propres parents. Désolée de la comparaison, mais bon, c’est vrai.

J’avais donc monté Our Animal Friends il y’a six ans et j’avais ouvert ce grand refuge. Le terrain dont je disposais m’avait permis de faire ce que je voulais. Il y’a beaucoup trop de refuges où on voit des animaux enfermés à plusieurs dans des cages trop petites. Je ne voulais pas que mon refuge ressemble à un refuge. Je voulais qu’il ait l’air d’un lieu de vie agréable pour les animaux, avec de grands espaces pour qu’ils puissent vivre bien, même sans avoir de famille. Le personnel du refuge et moi-même faisions de notre mieux pour que les animaux se sentent bien.

La journée touchait à sa fin, mais j’avais encore de la paperasse à faire. Heureusement, l’association ne reposait pas sur mes seules épaules. Brooke m’aidait beaucoup. Elle était mon bras droit, la vice présidente de Our Animal Friends. Au collège, c’est grâce à notre amour pour les animaux que nous nous sommes liées. Nous n’avions pas beaucoup de moyens, mais on tentait déjà d’aider les animaux et de mener des petites actions. C’était parfois maladroit. Comme le jour où on a ruiné un défiler de mode avec une collection en fourrure. Je suis sortie de mes gonds ce jour là. Remarque, je crois que je n’ai pas beaucoup changé. Quand je vois une bonne femme se balader avec de la fourrure sur le dos, j’ai envie de lui arracher la tête. Allez savoir pourquoi. La différence, c’est que maintenant, je suis adulte. Mes actions doivent être sérieuses et réfléchies. Après avoir fini de remplir quelques documents, je quittais mon bureau. C’est à ce moment là, que je tombais nez à nez avec Camille qui venait de pénétrer dans le bâtiment…

Encore lui ? Depuis quelques temps, cet homme venait nous rendre visite régulièrement. Monsieur l’inconscient avait, il y à quelques mois, percuté un kangourou sur la route. Je l’ai donc plutôt mauvaise après lui. L’animal aurait très bien pu mourir, mais fort heureusement, mon équipe vétérinaire avait pu le sauver. Je croisais le regard de l’homme, qui ne semblait pas ravie de tomber sur moi. En effet, à chaque fois que je le vois, c’est plus fort de moi, je ne peux m’empêcher de lui faire des reproches. Pourtant, il s’est excusé des centaines de fois, mais qu’est-ce que ça change ? La plupart des gens pensent qu’il suffit de dire « pardon » pour être pardonné. Moi, je trouve ça un peu trop facile. Il reprit la parole sans que je n’aie eu le temps de dire quoi que ce soit. Son ton se voulait plus menaçant – « Pourquoi ? Sinon vous allez aussi m’écraser avec votre voiture ? » - Répondis-je avec sarcasme. Je n’aimais pas trop le ton qu’il prenait avec moi. Non mais qu’est-ce que voulait dire cette menace ? – « De quel droit vous permettez vous de me menacer ? Ce n’est pas mon problème si vous n’êtes pas capable de faire face à vos erreurs. » - Je laissais passer un moment de silence, avant de reprendre la parole : « Vous êtes venus voir Perseus ? » - Je savais que c’était le nom qu’il avait donné au kangourou et maintenant tout le personnel l’appelait comme ça. Cela n’était pas la première fois que Camille venait ici depuis l’accident. Je commençais à me dire qu’il était vraiment désolé et que ce n’était pas que des paroles finalement.

« Ne me tentez pas… Et cette fois, il n’y aura pas de survivant. » Répliqua-t-il d’un ton cassant qui laissait toutefois deviner une petite pointe d’humour, noir et déplacé, certes.

Bien sûr que non, il n’était pas capable de l’écraser avec sa voiture, mais qu’elle ne commençait pas à lui donner de bonnes idées. Doté d’une imagination débordante, le jeune homme pourrait finir par céder à la tentation de lui clouer le bec à jamais. Elle avait en effet le don de l’énerver rien qu’au son de sa voix. D’autant qu’elle tenait encore et toujours ce même discours moralisateur, refrain qu’il avait déjà entendu à maintes reprises puisque dès qu’il se rendait au refuge, elle n’hésitait pas à le couvrir de reproches. C‘était désormais officiel, Camille ne supportait plus le comportement réprobateur de son interlocutrice. En revanche, celle-ci semblait se plaire à jouer la parfaite personnification de sa conscience, prenant un malin plaisir à le torturer. De son propre point de vue, il avait suffisamment culpabilisé. Aujourd’hui il voulait simplement tourner la page en se réjouissant du rétablissement de Perseus, sans avoir à ressasser constamment l’accident. A nouveau, il ne put s’empêcher de se justifier, le regard acerbe :

« J’aurai pu laisser le kangourou crever sur la chaussée. J’ai fait tout ce que j’ai pu justement pour réparer mon erreur, et c’était un accident. »
Seraient-ils un jour en mesure de briser enfin ce cycle infernal ? Le beau Californien ne continuerait pas à s’excuser éternellement. Parviendrait-elle à lui pardonner et admettre qu’il s’agissait d’un malencontreux accident, indépendant de sa volonté ? Camille était cascadeur. Sa vocation lui interdisait toute insouciance face aux risques. Il avait déjà eu l’occasion de réaliser des cascades en voiture, il connaissait les dangers de la route. Sûrement dans l’espoir d’apaiser le conflit, la belle mentionna Perseus. C.N répondit poliment, sans décolérer pour autant :
« Oui, j’en reviens. J’étais avec Jack et Thomas. » Autrement dit, le vétérinaire et son assistant.
« Heureusement qu’ils ne sont pas tous aussi cons et bornés que vous. »

La colère l’amenait parfois à dire certaines choses qu’il pourrait regretter dans les heures suivantes. Insulter Lussy s’avérait stupide. Elle avait beau se révéler particulièrement pénible, elle ne méritait pas une telle injure. De plus, Camille n’avait pas pour habitude de manquer de respect à son entourage, encore moins vis-à-vis de la gente féminine. Il ne s’était jamais abandonné à la violence des mots, même avec son ex-femme, malgré les nombreux différends qu’ils avaient connus. Conscient de s’être emporté, il déclara, plantant ses yeux dans les siens :

« Vous êtes en colère contre tous ces hommes dangereux derrière un volant, je comprends, mais je ne suis pas l’un d’entre eux. J’en ai assez d’être jugé comme le pire des criminels. »

C.N se dirigea ensuite vers le réfrigérateur situé derrière le bureau d’accueil. Il attrapa une canette de bière avant de tourner les talons. S’apprêtant à quitter le refuge, il adressa un dernier regard envers Lussy.
« Merci pour la bière. » Glissa-t-il en guise d’au revoir. Le cascadeur franchit la porte et marcha d’un pas nonchalant jusqu’à sa Jeep.

Je remarquais que Camille était plus qu’agacé par mon comportement et mes reproches. Ses propos étaient cassants et son ton assez sec. Personne ne me parle comme ça ! Du moins, j’ai horreur que l’on le fasse et je sais me montrer aussi très cassante. Je n’ai pas ma langue dans ma poche, je dis tout ce que je pense que ça plaise ou non. Je m’en fiche ! Je suis ainsi depuis toujours et ce trait de caractère a toujours exaspéré mes parents. « Il y’a des choses qui ne se disent pas » me disait t-ils souvent. Mes parents : De vrais adeptes des bonnes manières. Il ne faut surtout pas faire un pas de travers, avoir toujours l’air irréprochable, être parfait. D’où leur vient cette obsession des apparences ? Je me demande si je suis vraiment leur fille. Franchement, moi les apparences, j’en ai rien à faire ! Je préférais toute fois ne pas rétorquer aux paroles de Camille.

Il poursuivait en déclarant qu’il aurait pu laisser le kangourou sur le rebord de la route au lieu de me l’emmener. Il avait essayé de réparer son erreur. Je me sentais vraiment idiote pour le coup. Il avait raison. Beaucoup de gens qui percutent des animaux ne prennent même pas la peine de les emmener chez le vétérinaire. Ils préfèrent les laisser crever et ça, sans aucun remords. L’humain peut vraiment parfois être odieux. Camille marquait donc un point et moi, je me retrouvais bien bête. L’homme me confirmait qu’il était venu rendre visite à Perseus accompagné des vétérinaires, ajoutant au passage une nouvelle pique ! Je ne pouvais pas le laisser me parler comme ça, me traiter de conne bornée, même si c’est vrai que je suis bornée – « C’est fou ce que vous pouvez être désagréable et irrespectueux, et encore je suis polie ! Vous êtes ici dans le refuge que j’ai fondé. Je suis conne et bornée et je vous… » - Emmerde, pensais-je. Je suis assez impulsive dans mes propos parfois, mais je me souvenais que j’étais ici au refuge. Je ne pouvais pas me permettre d’insulter les gens – « Recommande de sortir d’ici, si cela vous dérange. » - Je lui montrais la direction, bien qu’il la connaisse déjà.

Camille marquait un second point lorsqu’il comprenait que j’étais en colère contre les automobilistes dangereux – « Pauvre chéri. » - Me moquais-je quand il dit qu’il en avait assez d’être jugé comme le pire des criminels. J’avais bien conscience de dépasser les limites. Seulement, Camille m’agaçait tellement que je n’avais même pas le temps d’avouer mes tords et de m’excuser. L’homme se dirigeait vers le frigo avant de se prendre une bière, comme si il était chez lui. Il ne faut surtout pas se gêner, hein ? Et puis, il se dirigeait vers la sortie. Bon débarras, pensais-je dans un premier temps. Je le regardais s’éloigner sans même bouger. Je laissais échapper un léger soupir en réalisant que je ne pouvais pas le laisser partir comme ça. S’en était assez de tout ça. Je devais agir intelligemment et lui présenter des excuses. J’avais été assez dur avec lui, à chaque fois qu’il avait mit les pieds ici. Je me décidais à le rattraper avant qu’il n’arrive au parking – « Attendez ! » - Instinctivement, je posais ma main sur son bras. Je le relâchais quand il me fit face – « Vous avez vraiment le don de me taper sur le système. Je vous trouve grossier et arrogant avec votre air de playboy. Mais, je tiens à vous présenter mes excuses. » - Dis-je tout simplement, sur un ton très calme. Je ne cherchais pas à l’insulter encore, c’était ma franchise qui parlait. Je marquais un court silence, mais ne lui laissait cependant pas le temps de me répondre – « J’ai dépassé les bornes, je l’admets. Vous avez percuté ce pauvre Kangourou et ça m’a mise très en colère. Je m’en suis prise à vous parce que bien souvent, les gens renversent un animal et ne prenne pas la peine de venir, ils préfèrent le laisser pour mort. Chose que vous n’avez pas faite, mais vous étiez là, vous l’avez percuté et j’étais en colère. Désolée. Vraiment. » - Je lui adressais un sourire sincère, le regard rivé sur lui – « Et merci d’avoir emmené Perseus ici ce soir là. » - Ajoutais-je. J’avais l’impression d’avoir beaucoup trop parlé, alors je me taisais désormais. Je lui laissais le loisir de me répondre ou de m’envoyer balader.