I NEED YOU

Effondrée, je ne pouvais retenir mes larmes. J'ignorais complètement pourquoi ce simple mot me touchait autant. Après tout, il ne donnait aucun nom, j'aurais du oublier cette phrase. Mais le simple fait de l'avoir là, sous mes yeux me figeait. Le Wall allait peut-être me détruire comme le prédisait ma mère quand elle en avait entendu parler. Je n'arrivais pas à comprendre comment quelqu'un pouvait s'attaquer à Reedan et au club. Mais pire que ça, le mot prostitution me semblait pointer un doigt accusateur sur moi. Je hoquetais sans pouvoir retrouvée mon souffle, les genoux écorchés sur le trottoir. Et si c'était ce type. Celui qui m'avait violée. Et s'il m'avait retrouvée. J'avais beau essayer de me persuader que c'était de l'égocentrisme, mon coeur était au bord de l'explosion. Comme si tout ce que j'avais construit depuis que ce monstre avait détruit ma vie était à nouveau réduit à néant. J'en avais envie de vomir. Creuser un trou, disparaître... Tout ça c'était la faute de Jay qui avec tout son tac avait lâché : "Hé ! On parle de nous sur le Wall, et si moi j'suis le toxico, toi t'es logiquement la pute pas vrai ?!" Il avait un humour particulier ce crétin. Mais en tant qu'ami, il avait bien dû voir combien ça m'avait blessée. Surtout que je m'étais beaucoup rapprochée de Reed ses derniers temps. Et si cet "Anonyme" -même pas les couilles de signer- nous avait espionné. Et s'il parvenait à faire croire aux gens que si j'avais un job, c'était parce que je draguais le boss.

Il fallait que je me force à me mettre debout, que j'affronte ce problème comme toujours : en fermant les yeux sur les saloperies que les hommes peuvent faire aux autres hommes. Mais là, écrit noir sur blanc, Il parait que la rock star Reedan Carson adore jouer à l'ange gardien avec des employés très versés dans la prostitution, la drogue et l’alcool. - Anonyme, les mots me semblaient assassin. Fermant les yeux, j'essayais de me reprendre en me convainquant que cette rumeur était fausse. C'était le cas, mais depuis qu'elle était exposée aux yeux de tous, certains clients de l'Underground me fixaient avec un regard malsain. C'était dingue comme les gens étaient influençables et crédules... Je me mis à marteler le mur avec mes poings serrés quand un homme sortit de nulle part, m'attrapa les poignets et me leva de force. Paniquée, je me mis à le frapper comme une démente. Lachez-moiiiii ! Si vous voulez pas finir le nez explosé, lâchez-moiii !

Les joues rosies par le vent piquant du matin, Malo rentra la tête dans les épaules. Sur la plage déserte, le sable s'étendait à perte de vue devant lui. Il aimait assez venir se promener les matins où il ne travaillait pas. Cet endroit était splendide et pour rien au monde il ne quitterait sa ville natale. Les quelques semaines qu'il avait passées à Londres pour récupérer Reaghan l'avaient laissé en manque de soleil et de Gold Coast surtout. Même s'il était passionné par le voyage et la mer, même s'il avait déjà fait le tour du monde, à chaque fois, il savait que c'était ici qu'il se sentait chez lui. C'était ici qu'il voulait élevé son gosse, ici qu'il avait voulu se marier... Ici qu'il finirait poussière bouffée par les vers. C'était comme rassurant de savoir qu'il avait un endroit auquel il pouvait s'attacher. Reaghan n'était pas comme ça... Elle était bien plus libre, bien plus détachée... Mais après tout, elle était resté pour lui. Ou plutôt revenue. Il sourit en repensant à son bonheur lorsqu'elle avait accepté de rentrer à la maison avec lui, quatre ans et demi plus tôt... Elle était si belle ce jour-là et depuis ne cessait d’embellir à ses yeux. Quand on est gosse, on n'imagine pas à quel point l'amour peut perturber une vie. Enfin, on pleure une journée entière pour un chien, des mois pour un grand-père... Mais on ignore totalement comme un coeur peut se retourner pour une seule personne. Elle était celle qui avait tout changé, même si lui dire lui donnait la grosse tête... Être l'âme sœur de quelqu'un c'est comme ne plus être soumis à la gravité terrestre mais à celle de cette personne.

En remontant sur la promenade de bord de mer, il soupira et se dirigea curieusement vers le Wall. Pourquoi ? Mystère. Cet endroit aussi l'attirait comme un aimant. Il était intrigué par ce qu'il représentait, par ce qu'il provoquerait dans la vie des Gold Coastiens. Dernièrement, fleurissaient sur le mur des mots assassins et diffamatoires. Et ce de plus en plus... En arrivant, il remarqua une jeune femme effondrée au pied des briques, les jointures de ses doigts saignaient légèrement à force de frapper. Guidé par un élan de sympathie, il la releva, s'attirant les coups. Resserrant son étreinte, il bloqua les bras de la jeune femme entre eux deux. Elle releva la tête pour me jeter un regard furieux et me lâcha une menace. Quand nos regard se croisèrent, je ne pus y croire.
Lyss ? C’est toi ? Calme-toi !
C'était improbable de la rencontrer ici... Cette fille, c'était Lyssa Brown... Et il ne s'étaient pas vu depuis au moins sept ans !

J'étais comme frappée par la foudre, comme rendue folle par ces mots écrits au hasard. Pourquoi prenais-je le mot "trainée" pour moi ? C'était évident pour moi. Depuis toujours, on me disait provoquante alors de là à ce qu'on dise que c'était de ma faute si on m'avait violée, il y a de cela des années, la route n'étais pas longue. Je serrais les dents et les larmes dégoulinaient malgré tous mes efforts sur mes joues. Je me sentais incapable de résister face à ça, incapable de me relever si on se mettait à me voir comme ça. Déjà que j'avais fuis en partie pour qu'on arrête de me regarder avec condescendance. C'était comme si je ne pouvais plus m'arrêter de pleurer et de trembler quand il me souleva dans ses bras. Ce type que je frappais de toute mes forces, ce type sur qui je hurlais. Qui était-il pour oser me toucher ? J'étais assez grande pour survivre seule. Non. C'était un mensonge. Je me mentais à moi-même. J'avais besoin de Reedan. Et j'avais besoin de ce gars qui m'enlaçais. Je le su à l'instant même où sa voix coula sur moi comme une caresse apaisante. Malo ? Les yeux inondés et le coeur battant, je plongeais mon regard dans le sien, mes poignets retenus contre son torse. Je répétais son prénom plusieurs fois, un peu comme si ça pouvait rendre réelle cette apparition. Nous nous connaissions depuis environs six ans. Quand il était passé par mon chez moi. Par cet endroit qui me manquait comme jamais à cet instant. A Jackson, Malo avait été un amant. De courte durée fut notre romance mais ce fut intense le peu de temps que ça dura. Je ne crois pas que je l'aimais. Mais il était un des premiers à me faire sentir vivante à nouveau. C'était avant le viol, avant le diplôme. Mais lui était comme un soleil et il m'aida en partie à surmonter complètement la mort de mon ange gardien.

Evidemment, son tour du monde l'éloigna de moi. Et puis il y avait cette fille dont il ne cessait de parler. Il l'aimait comme un fou. Je n'avais rien à faire dans cette histoire là. J'étais juste une escale dans le voyage de sa vie. J'étais un port et lui était une ancre sur laquelle je m'étais reposée un temps. Mes doigts se crispèrent sur sa veste et j'enfonçais mon visage au creux de son épaule comme jadis. Evidemment, je savais qu'il était australien mais il n'avait jamais préciser alors. La surprise de le voir ici, là, maintenant à me soutenir comme auparavant. J'en tremblais. Il voulu reculer mais je restais accrochées à lui comme un naufragé, incapable de parler. Je sentais juste qu'il fallait que je reste contre lui. Il serrait mon remède contre cette phrase assassine. Épuisée de chagrin et de révolte, je me laissais entraîner à l'écart sur un banc où je me blottis contre lui.

Entre lui et elle, les choses avaient été intense mais si courtes. Jamais il ne l'avait aimée et c'était pour ça qu'il était parti sans rien lui dire. Lyssa était une jeune femme extraordinaire mais elle n'était pas Reaghan. Il aurait du le savoir. Cependant il avait craqué fasse à ses sourires, à sa voix si particulière et à sa délicate façon d'être indomptable. Avec elle, on pouvait discuter sans se prendre la tête et finir au lit sans avoir l'impression que les choses changeaient. Seulement aujourd'hui, elle semblait encore plus fragile qu'alors. Elle aurait du s'endurcir mais Malo avait la sensation que c'était tout l'inverse. Déjà lors de leur première rencontre, elle jouait aux dures mais ne parvenait jamais vraiment à cacher qui elle était vraiment à qui voyait. C'était dans ses gestes, ses moues rêveuses et ses yeux noisettes qu'on apercevait ses faiblesses et sa fragilité. Finalement, il ne savait presque rien d'elle ni de sa famille, même s'il avait vu sa mère et son petit frère. Elle n'avait jamais confié ses secrets ou parfois à demi-mots incompréhensibles. De toute façon, à cette époque, l'australien n'avait qu'une idée en tête : faire disparaitre la douleur. Le vide béant ouvert dans son coeur le torturait et la seule solution avait été de prendre la mer. Débarqué chez Lyss avait été une partie du traitement. Sauf que jamais il n'avait pu oublier la femme de sa vie. Il lui arrivait parfois de penser à ce qui se serait passé s'il avait baissé les bras. Serait-il toujours avec son ex-fiancée ? Elle était infirmière, brune... Tout le contraire de Reagh : douce et calme, toujours posée. Il s'ennuyait à mourir mais aucune partie d'elle ne lui rappelait celle qu'il avait perdu. Encore aujourd'hui, Malo regrettait de n'avoir jamais eu le cran de lui expliquer... Même si elle savait. Depuis toujours. Avant lui.

En entrainant la brunette à l'écart, il la serra contre lui, chassant le passé. Le présent était si heureux, ses journées si belles et ses nuits si tor... Ok, pas besoin de savoir ça. Bref. La vie était parfaite mais reparler du passé mettait souvent Reaghan hors d'elle. Et puis, elle pensait souvent à ce qu'elle avait laissé derrière elle pour lui : argent, avenir, eau chaude... Il le savait pertinemment. Tout comme il savait que s'il la perdait un jour, ce serait sans doute pour ça. Il ferma les yeux, berçant la jeune américaine. "Calme-toi... Qu'est-ce que tu fais ici ma belle ? Cet endroit n'est pas fait pour toi..." Difficile de savoir s'il parlait de Gold Coast ou de cette rue, bordée par ce "Wall" menaçant les plus faibles. Il posa un baisé sur sa joue puis reprit doucement. "Je ne sais pas ce qui te met dans cet état mais tu devrais ignorer ceux qui disent du mal de toi" Il faillit lancer une blague mais se retint quand il croisa le regard cerné de larmes de Lyssa Brown.

Blotties dans ses bras, je tentais d'apaiser ma peine, inspirant son odeur si familière et rassurante. Si seulement j'avais su qu'il était à Gold Coast, je l'aurais cherché bien plus tôt. J'avais besoin de lui. Comment n'en avais-je pas eu conscience ? Depuis son départ de Jackson, il me manquait. Lui l'enfant dans un corps d'homme qui m'avait aimée et sortie de plus d'une cachette sombre. Malo était le genre de type à toujours savoir où trouve refuge les demoiselles en détresse. Une seconde, je me demandais s'il avait pu être à nouveau heureux. Je n'avais jamais été dupe, comme moi, il jouait à cette époque. C'était sans doute pour ça que nous nous accordions aussi bien tous les deux : deux ecloppés sur le bord du chemin. Mais aujourd'hui, je le sentais un peu différent. Les cicatrices se voyaient à peine dans ses yeux. Malo était réellement rayonnant. L'espace d'une seconde, je lui en voulu, ma jalousie m'étreignit avec une force incroyable, me donnant envie de le gifler. Pourquoi avait-il droit au bonheur alors que moi, j'étais toujours piégée de mes cauchemars, de mon corps qui me répugnait à chaque fois que je pensais à cette nuit où j'avais été si faible. Me défendre avait été au-dessus de mes forces et chaque matin, je m'en voulais pour cet épisode. Inconsciemment, je me mis à trembler, la gorge sèche et la peau pâle. Les souvenirs étaient mes milles morts. J'aurais voulu me débarrasser de tout ça, être vraiment cette fille insouciante et souriante que le monde extérieur connaissait. Seulement Malo savait qui j'étais, en un seul regard, il avait compris que quelque chose n'allait pas. Mes pleurs n'étaient pas un caprices, ils étaient la trace latente de toutes mes souffrances enfuis depuis trop longtemps. Comment savait-il que j'étais si fragile, comment savait-il que ce mur me tuerait pour un simple mot.

La voix basse et enrouée, je tentais de lui répondre avec assurance. "Tu sais, je peux encaisser n'importe quoi, et c'est bien connu que je me fiches de ce qu'on pense de moi... Et toi ? Que fais-tu ici loin de l'océan ? " C'était si pathétique de prétendre que rien ne flanchait dans ma voix, que rien ne clochait dans mon sourire forcé. Je sentais ses yeux posés sur moi comme une étreinte brûlante. Et brusquement, je ne voulu qu'une chose : revenir en arrière. Mes lèvres se posèrent sur les siennes en traître, alors qu'il regardait une seconde vers le mur.